Naissance du ‘Groupe de La Haye’ : une coalition inédite de neuf pays pour la défense du droit international

Progressive International
Les représentants des neuf pays du Groupe de la Haye, le 31 janvier 2025 à La Haye (Pays-Bas). Source: Progressive International

L’Internationale Progressiste (Progressive International) – organisation politique mondiale fondée en 2020 afin de fédérer les syndicats, mouvements sociaux, partis politiques et activistes progressistes – a publié le 31 janvier 2025 la Déclaration commune inaugurale du Groupe de La Haye. Rassemblés dans la ville néerlandaise de la paix et du droit, siège de la Cour pénale internationale (CPI) et de la Cour internationale de Justice (CIJ), neuf États du Sud global ont formé une coalition inédite, véritable « G9 pour la justice internationale. » En effet, ce Sommet de haut niveau des ministres des Affaires étrangères marque un tournant « historique » : jusqu’à vendredi dernier, aucun groupe de pays ne s’était allié pour coordonner mesures juridiques, diplomatiques et économiques contre les violations du droit international. Quelles sont les revendications portées par les représentants du Belize, de l’État plurinational de Bolivie, de la République de Colombie, de la République de Cuba, de la République du Honduras, de la Malaisie, de la République de Namibie, de la République du Sénégal et de la République d’Afrique du Sud ? Et que présage la création d’un tel groupe pour la scène diplomatique et les institutions juridiques internationales de la Haye ?

D’après le contenu de la Déclaration, le Groupe de La Haye trouve son origine dans une volonté explicite de répondre aux « vies, moyens de subsistance, communautés et patrimoine culturel perdus en raison des actions génocidaires menées par Israël, la puissance occupante, à Gaza et dans le reste du territoire palestinien occupé contre le peuple palestinien. » Cette initiative s’appuie également sur un « refus de demeurer passif face à de tels crimes internationaux » et sur des fondements juridiques solides, notamment la délivrance par la CPI de mandats d’arrêt à l’encontre de Benjamin Netanyahu et Yoav Gallant (21 novembre 2024), ainsi que l’Avis consultatif de la CIJ affirmant l’illégalité de la présence israélienne dans les territoires palestiniens occupés (19 juillet 2024).

Dans cette perspective, la Déclaration articule des demandes concrètes, formulées au nom du droit « inaliénable » du peuple palestinien à l’autodétermination et de son droit à un État indépendant. L’intention déclarée du Groupe de La Haye se structure autour de trois axes fondamentaux afin de « mettre fin à l’occupation israélienne de l’État de Palestine » et « de coopérer à la prévention du génocide et des autres violations des normes impératives par toutes les mesures juridiques à disposition » :

1.Soutenir la Résolution A/RES/ES-10/24 adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies (18 septembre 2024), garantir la mise en œuvre effective des mesures provisoires ordonnées par la CIJ (26 janvier, 28 mars et 24 mai 2024) et assurer le respect des obligations découlant du Statut de Rome. 

2. Empêcher la fourniture ou le transfert d’armes, de munitions et d’équipements connexes à Israël lorsqu’il existe un risque évident qu’ils soient utilisés pour violer le droit international, les droits humains ou la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.

3. Empêcher l’accostage de navires dans n’importe lequel des ports des pays du groupe s’il existe un risque que le navire soit utilisé pour transporter du carburant militaire et de l’armement vers Israël.

Enfin, les neuf pays appellent à rejoindre le Groupe de La Haye au nom de leur « engagement solennel en faveur d’un ordre international fondé sur l’État de droit et le respect du droit international. » Cet appel répond à une vision ambitieuse visant à promouvoir une « coexistence pacifique et une coopération renforcée entre les États. »

La formation d’un tel groupe s’inscrit dans un contexte international de tensions, de divisions et de défis judiciaires, marqué notamment par la tentative de l’administration Trump d’imposer des sanctions à la CPI. Comme le souligne Progressive International dans son Briefing No.4 : « À la suite des sanctions imposées par Washington à la Cour pénale internationale, les institutions mêmes conçues pour garantir la justice et la responsabilité sont désormais punies pour avoir osé préserver le droit international. » En plus de constituer une réponse à l’administration Trump, cette coalition revêt plusieurs dimensions significatives qui lui confèrent assurément un caractère historique.

Tout d’abord, elle se démarque par son audace, car elle s’adresse directement à la communauté internationale et à ses organes (ONU, CIJ et CPI), en dénonçant la passivité et la complicité de certains États face aux violations du droit international, censé être garanti par ceux-ci. En effet, tout en renforçant la visibilité des institutions juridiques internationales, la coalition met également leur crédibilité à l’épreuve. Comme l’exprime DiEM25 (membre de Progressive International) : « Cette affaire ne concerne pas uniquement la guerre d’Israël contre Gaza. Il s’agit de défendre les fondements mêmes du droit international. Il s’agit de dire, haut et fort, que le génocide ne sera pas toléré, quel qu’en soit l’auteur. Il s’agit de dénoncer l’hypocrisie de l’Occident – ces gouvernements qui prétendent défendre les droits humains tout en finançant, armant et défendant l’apartheid et le nettoyage ethnique. » Ensuite, cette initiative marque l’émergence – ou le renforcement – d’une nouvelle dynamique internationale portée par le Sud global. Cette coalition d’États, traditionnellement en marge des grandes puissances internationales, s’affirme désormais comme une force motrice pour la défense du droit international et la lutte contre l’impunité. Progressive International écrit avec une subtile provocation : « Le Sud global prend les devants là où l’Europe refuse d’agir. Le Sud a pris position, l’Europe le fera-t-elle ? »  Enfin, la particularité du groupe réside également dans l’expérience historique et la détermination commune de ses membres. Plusieurs de ces États ont traversé des périodes sombres qui résonnent profondément avec la situation palestinienne actuelle : l’Afrique du Sud et son régime d’apartheid, la Namibie et le génocide des Hereros et des Namas, sans oublier les pays d’Amérique latine marqués par l’extermination historique de leurs populations autochtones.

Il est crucial de comprendre que cette initiative intègre une portée à la fois judiciaire et internationale et ne s’inscrit pas dans une démarche politique. Elle s’inscrit sans détour dans le contexte actuel et ne cherche pas à nourrir une opposition partisane entre pro-Palestine et pro-Israël – une distinction par ailleurs réductrice, mais normalisée. En outre, il serait regrettable de voir émerger une contre-coalition purement motivée par des intérêts politiques et/ou économiques, qui détourneraient l’attention de l’objectif principal : la défense du droit international et la lutte contre le crime de génocide.

Laisser un commentaire

En savoir plus sur Ma jus cule

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture