La mort de Muhsin Hendricks, premier imam gay et symbole international des droits LGBTQ+ : le progrès à l’épreuve de la haine

L’imam Muhsin Hendricks le 9 juin 2016. Source : Naib Mian/GroundUp

Ce 15 février marquait un jour sombre pour l’avancée des droits humains, les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres, et plus largement queers (LGBTQ+)  C’est en effet à cette date que Muhsin Hendicks, citoyen sud-africain et premier imam ouvertement homosexuel au monde, a trouvé la mort dans une attaque par balles qui porte tous les signes d’un assassinat, sur l’un des territoires censés compter parmi les plus progressistes du continent. 

C’est précisément en Afrique du Sud que Muhsin Hendricks a commencé son exercice d’imam en 1991, avant d’être rejeté à cause de son homosexualité. Puis il reprit cette occupation concomitamment à l’adoption de la Constitution du pays en 1996, la première d’Afrique à disposer de la protection des individus sans distinction de leur orientation sexuelle (Art. 9). Père de trois enfants alors récemment divorcé, Muhsin a choisi d’ouvrir la porte de son garage, y a disposé des tapis pour donner des enseignements aux musulmans locaux qui désiraient l’entendre, avant de progressivement gagner en notoriété du fait de son progressisme, jusqu’à ouvrir sa propre mosquée en 2011. Entre temps, l’Afrique du Sud légalisait le mariage homosexuel (Civil Union Act de 2006), permettant à Muhsin de se marier avec un homme hindou. 

La vision de l’Islam proposée par Muhsin est particulièrement moderne, à rebours du traditionalisme qui voit la pratique de cette religion par les homosexuels comme un oxymore. Bien au contraire, l’imam qu’il entendait être devait rimer avec inclusion totale et lieu d’ouverture pour quiconque souhaiterait y trouver un refuge, membre de la communauté LGBTQ+ ou non. À 57 ans, il était devenu un symbole de la lutte contre les discriminations, internationalement reconnu et acclamé par l’ILGA, l’Association internationale des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans et intersexuées.

Ses enseignements étaient cependant décriés par la hiérarchie de la communauté religieuse musulmane, en particulier en Afrique du Sud : le Conseil judiciaire musulman l’a condamné en 2007 pour ces motifs, et a plus tard proclamé des fatwas – avis religieux – à son égard. Force est toutefois de constater que le cadre offert par Muhsin rendait plus facile l’expression de la foi pour bien des croyants, ceux issus des minorités tout particulièrement. Nombre de jeunes musulmans homosexuels ou de femmes marginalisées voyaient en effet sa mosquée comme l’un des seuls – si ce n’est l’unique – lieux où ils pouvaient prier sans crainte.

La brutalité de sa mort est proportionnelle à l’effroi qu’elle a causé pour les militants des droits humains. Elle est révélatrice de ce que les progrès sont loin d’être aboutis en matière d’ouverture des droits et d’inclusivité, peu importe l’orientation ou le genre. Le drame est d’autant plus regrettable qu’il a lieu dans l’État à l’initiative duquel le Conseil des droits de l’homme des Nations unies avait adopté une résolution affirmant les droits LGBT en 2011, la première adoption formelle d’un texte sur les droits de ces personnes. Si la déception et le désarroi sont les premiers sentiments qui envahirent tous les alliés des idées de Muhsin à travers le monde, il ne faut pas laisser la haine vaincre ses efforts.

En Afrique du Sud comme ailleurs, croyants et athées nourrissent déjà la campagne contre cette haine, contre cet affront. Rappelons-nous les mots de l’imam, courageusement prononcés en 2022 à l’occasion d’un documentaire sur sa vie, The Radical : « The need to be authentic is greater than the fear to die ».

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