Sept ans après l’assassinat de Ján Kuciak et Martina Kušnírová : L’amour est-il toujours plus fort que le mal ?

Source : FB/Daniel L.A. pour Topky.sk
« Les meurtres ont été perpétrés avec une telle rapidité et discrétion que personne dans la petite municipalité de Veľká Mača, à 60 kilomètres de Bratislava, dans le sud-ouest de la Slovaquie, n’a remarqué l’horrible crime qui se déroulait dans le quartier le 21 février 2018. » Quatre jours plus tard, la Slovaquie découvre l’horreur d’un double homicide. Le voile de l’insouciance s’ôte pour révéler une cruauté et une brutalité dans la société slovaque jusqu’alors insoupçonnées. Gisent sur le sol les corps de Ján Kuciak, journaliste d’investigation rattaché à Aktuality.sk, et de sa fiancée Martina Kušnírová, archéologue. Tous deux sont froidement abattus, Ján d’une balle dans la poitrine, Martina d’une balle dans la tête à bout portant. Ils n’avaient que 27 ans. Ils allaient se marier. Ils venaient d’acheter leur première maison. Sept ans plus tard, l’affaire reste une plaie ouverte dans l’attente sempiternelle d’une justice totale et définitive.
Ján Kuciak était dans le collimateur de la mafia italienne opérant en Slovaquie en raison de son travail d’investigation sur les « allégations de fraude fiscale, de corruption et de clientélisme dans l’utilisation des fonds de l’UE, ainsi que les liens entre les oligarques et les dirigeants politiques. » Plus précisément, Ján Kuciak s’intéressait à la ‘Ndrangheta, une célèbre organisation mafieuse basée en Calabre (Italie), qui domine le marché européen de la cocaïne. Global Initiative explique qu’il enquêtait sur les liens entre ce groupe criminel, Robert Fico, alors Premier ministre, et sa secrétaire Mária Trošková, associée d’un Italien basé en Slovaquie et directement lié à la ‘Ndrangheta. En possession de telles découvertes compromettantes pour plusieurs hommes d’affaires et figures politiques slovaques, Ján Kuciak était devenu une menace, un lanceur d’alerte à museler.
Qui a tué Ján Kuciak et Martina Kušnírová ?

Malgré des preuves matérielles, des témoignages accablants et des données téléphoniques préjudiciables, Marian Kočner a été acquitté à deux reprises : une première fois en septembre 2020 par le tribunal spécial de Pezinok, aux côtés d’Alena Zsuzsová, puis une seconde fois en mai 2023, tandis qu’Alena Zsuzsová a elle été reconnue coupable d’avoir commandité le meurtre. Quant à Zoltán Andruskó, Tomáš Szabó et Miroslav Marček, les trois hommes purgent de longues peines de prison. N’est-elle que partielle, cette impunité se trouve amplifiée par une déception et une incompréhension issues des urnes en 2023. La résurrection politique de Robert Fico pour un quatrième mandat survient malgré les liens avérés entre lui, son parti SMER et Marian Kočner — liens minutieusement documentés par une pléthore d’articles et d’ouvrages — et constitue un heurt sans équivalent pour la justice. Il est vertigineux de constater qu’en sept ans, l’élan de solidarité qui avait uni tout un peuple s’est dissipé. Les Slovaques semblent s’être déjà remis du traumatisme, avoir oublié ce cauchemar passager et tourné la page d’un amer chapitre. Cette amnésie collective est dangereuse, elle embrasse l’impunité.
Dans ce contexte, Barbora Bukovská, directrice principale du droit et des politiques à ARTICLE 19 exhorte : « La communauté internationale ne doit pas oublier Ján Kuciak et Martina Kušnírová. » N’oublions pas non plus les familles endeuillées, Mária et Jozef Kuciak, Zlatica Kušnírová, dont la douleur reste vive et la quête de justice inassouvie. Ils portent seuls le poids d’une attente interminable, dans un silence assourdissant laissé par l’absence de leurs enfants.
En ce 21 février 2025, rappelons que l’amour est toujours plus fort que le mal. Rappelons les visages des victimes courageuses, Ján et Martina, mais également ceux des coupables en liberté. Rappelons le travail de Ján Kuciak, qui doit continuer à inspirer la lutte contre la corruption et le crime organisé. Rappelons également les autres assassinats qui font écho à cette affaire, ceux de Daphne Caruana Galizia, Peter R. de Vries ou Giorgos Karaivaz. Rappelons enfin que les oublier, c’est les priver d’existence une deuxième fois.


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