Séisme en Asie du Sud-Est : vers un cadre juridique international applicable aux catastrophes naturelles ?

Les dégâts du séisme de magnitude 7,7, à Mandalay dans le centre de la Birmanie, 1er avril 2025. Source : 中国新闻社 via Wikimedia Commons

Dimanche 30 mars 2025, soit quarante-huit heures après le séisme dévastateur de magnitude 7,7 ayant frappé la Birmanie et la Thaïlande, la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) lance un appel international aux dons pour récolter près de 105 millions d’euros et secourir 100 000 sinistrés, représentant 20 000 foyers directement affectés par la catastrophe. En effet, les dernières données communiquées par la junte birmane ce même dimanche révèlent une aggravation dramatique du bilan humain : 1 700 morts, 3 400 blessés et 139 disparus recensés sur son territoire. À Bangkok, les autorités métropolitaines déplorent 17 victimes et 32 blessés. Mais dans ce terrible chaos qui frappe l’Asie du Sud-Est, la coordination internationale déclenchée par le séisme pourrait marquer un tournant dans la gestion des catastrophes naturelles à l’échelle mondiale.

Cette catastrophe est l’occasion d’établir un bilan critique de la réactivité et l’efficacité des réseaux internationaux d’aide humanitaire. Cette démarche revêt une pertinence particulière dans le cas de la Birmanie, où le régime issu du coup d’État de 2021 se révèle structurellement incapable de porter secours à sa population. Les équipes médicales locales font face à des pénuries alarmantes de kits de traumatologie, poches sanguines, anesthésiques et médicaments vitaux.  Dans un geste inédit, le général Min Aung Hlaing, chef de la junte, a rompu l’isolement diplomatique birman pour implorer « l’assistance de tout pays ou organisation » et un état d’urgence a été décrété dans les six régions les plus dévastées. Quelles réponses ? En moins de 48 heures, un vaste réseau d’aide internationale s’est organisé.

D’après les données de France Info, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a acheminé trois tonnes de matériel médical vers les hôpitaux de Mandalay et Naypyidaw ; la Chine s’est engagée à fournir une aide de 13,8 millions de dollars ; l’Inde, quant à elle, a mobilisé deux avions de transport C-17 transportant une unité hospitalière mobile et 120 secouristes pour installer un centre de soins à Mandalay. Par ailleurs, Singapour, la Malaisie, les États-Unis, le Royaume-Uni, et l’Union européenne ont parallèlement tous envoyé une aide d’urgence. Cette mobilisation internationale, tant par son envergure que par sa rapidité, démontre que les mécanismes de solidarité collective peuvent transcender les rivalités géopolitiques et, pour aller plus loin, s’inscrire dans un cadre juridique international.

Une « R2P » face aux catastrophes naturelles est-elle envisageable ?

D’aucuns jugeraient cette idée redondante, dans la mesure où elle est une application indirecte de la Responsabilité de protéger (R2P), principe selon lequel la communauté internationale doit agir lorsqu’un État faillit à protéger sa population. Pourtant, le cadre strict défini lors du Sommet mondial de 2005 (para. 138) limite son application aux quatre crimes graves (génocide, crimes contre l’humanité, nettoyage ethnique, crimes de guerre), excluant explicitement les catastrophes naturelles. L’épisode du cyclone Nargis (2008) en Birmanie l’avait déjà confirmé : la tentative française d’invoquer la R2P (sous le Ministre des affaires étrangères de l’époque, Bernard Kouchner) face au refus de la junte d’accepter l’aide internationale s’était heurtée à un veto onusien. Néanmoins, « la doctrine R2P, qui considère les protections philanthropiques comme allant au-delà du droit de souveraineté du pays, peut également s’appliquer dans le cas des catastrophes naturelles. Tout comme les catastrophes humaines intentionnelles peuvent entraîner des violations des droits de l’homme, l’absence de protection des personnes souffrant de catastrophes naturelles aura des conséquences similaires. » En effet, la R2P est plus largement une responsabilité de prévention, une responsabilité de réaction et une responsabilité de reconstruction.

Depuis 2005, la littérature académique a connu une expansion sans précédent vis-à-vis du périmètre opérationnel (la portée) de la R2P. Parmi celle-ci, Tyra Ruth Saechao (2007) propose (1) l’application du principe de la R2P aux catastrophes naturelles ; (2) la reconnaissance et la codification des droits des victimes de catastrophes dans le cadre du droit international des droits de l’homme ; et (3) l’établissement d’un traité international imposant à tous les États la responsabilité de protéger les victimes de catastrophes naturelles. Ces trois suggestions sont d’une pertinence inédite dans un paysage juridique international marqué par l’absence d’un instrument spécifique dédié à la protection des victimes de catastrophes naturelles… En dépit de l’existence d’une « international disaster response law » (IDRL) et de l’élaboration par la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge de lignes directrices pour la facilitation et la réglementation nationales des secours internationaux en cas de catastrophe, l’IDRL n’est ni un cadre complet ni unifié ; il se compose de multiples approches fragmentées.

La communauté internationale a franchi une étape décisive dans l’encadrement juridique de l’aide humanitaire avec l’adoption, le 15 novembre 2024, de la résolution A/C.6/79/L.16 par l’Assemblée générale de l’ONU :

4. « Décide d’élaborer et de conclure un instrument juridiquement contraignant sur la protection des personnes en cas de catastrophe, sans préjudice des effets juridiques de toute disposition particulière qu’il contient, au plus tard à la fin de 2027. »

Le texte, sur la base des projets d’articles de la Commission du droit international (CDI) adoptés en 2016, ouvre la voie à l’élaboration d’un traité universel contraignant sur la protection des personnes en cas de catastrophes d’ici 2027 !

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