Vieillir protégé : vers une convention internationale pour les droits des personnes âgées

Dans l’un de mes premiers articles (« Une crise négligée des droits humains » à travers l’art de William Utermohlen), j’avais souligné l’impérieuse nécessité d’établir une protection juridique internationale pour les personnes âgées, en formalisant leurs droits dans un instrument normatif. Quelle ne fut pas ma joie d’apprendre que le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, lors de sa cinquante-huitième session tenue du 24 février au 4 avril 2025, prévoit désormais la création d’un « groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée chargé d’élaborer un instrument juridiquement contraignant pour la promotion et la protection des droits de l’homme des personnes âgées. » En effet, comme le souligne judicieusement Amnesty International : « Les traités internationaux relatifs aux droits humains existants n’interdisent pas explicitement la discrimination liée à l’âge, et ne comportent pas d’obligations spécifiques imposées aux États en ce qui concerne les personnes âgées. » L’urgence de cette démarche est d’autant plus manifeste au regard des projections démographiques mondiales. Le nombre de personnes âgées devrait doubler pour atteindre 1,5 milliard d’ici 2050, alors même que leurs droits figurent parmi les plus négligés. L’objectif de la résolution est donc « de promouvoir, de protéger et d’assurer la pleine jouissance des droits de l’homme par les personnes âgées. » Dans sa formulation concise mais substantielle, ce texte établit les dispositions essentielles visant à concrétiser cette ambition internationale :
- Le groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée tiendra deux sessions annuelles de cinq jours à Genève dans un format hybride (la session d’organisation devrait se tenir avant la fin de l’année 2025);
- Le groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée devra tenir compte des contributions de toutes les parties prenantes ;
- Le groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée doit encourager et promouvoir la participation et l’engagement significatifs des personnes âgées et de leurs organisations représentatives de tous les groupes régionaux et en particulier de donner aux personnes âgées la possibilité d’exprimer leurs points de vue sur le thème et le contenu de l’instrument international juridiquement contraignant proposé.
(Pour concrétiser cette ambition de co-construction, la plateforme AGE, reconnue comme partenaire stratégique du processus, prévoit la mise en œuvre d’un dispositif complet de mobilisation comprenant des consultations inclusives, des webinaires thématiques, des sessions de formation et des rencontres). Cette résolution est le fruit de 15 années d’efforts menés par le groupe de travail onusien sur le vieillissement, 14 sessions d’appel à l’action internationale et le soutien actif de plus de 400 organisations fédérées au sein de la Global Alliance for the Rights of Older People (GAROP).
Cette avancée juridique présente des implications positives sur plusieurs dimensions. Premièrement, nous assistons à une spécialisation et à un affinement progressif du droit international, phénomène significatif en ce qu’il confère à cette discipline juridique une légitimité et une notoriété croissantes. Cette évolution contribue à réduire la distance perçue par les populations qui se sentent délaissées par un corpus juridique international considéré comme trop abstrait ou éloigné des préoccupations quotidiennes. Comme l’observent avec pertinence Thomas Margueritte et Rémy Prouvèze : « La diversification des sujets de droit qui en découle, loin de complexifier inutilement le droit international, marque sa maturité en développement. » Deuxièmement, cette initiative constitue une avancée pour les personnes âgées qui sont expressément invitées à participer activement au processus d’élaboration normative. Sa conception participative contribue à réduire considérablement l’écart traditionnel entre les bénéficiaires des instruments juridiques internationaux et leurs architectes via une approche « bottom-up » intégrant directement les perspectives et expériences des principales personnes concernées. Enfin, cet instrument juridique international permettra d’établir un cadre normatif visant à prévenir, réduire et sanctionner le vaste spectre de violations des droits humains que subit cette population vulnérable : violences et mauvais traitements, discriminations fondées sur l’âge, exclusions sociales, économiques et politiques, obstacles à l’accès aux soins et aux services d’assistance, insuffisance des dispositifs de sécurité sociale, marginalisation dans les réponses aux défis climatiques, ainsi que les abus perpétrés dans les contextes de conflits armés.

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