Accord de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan : l’espoir d’une paix durable dans le Caucase ?

Combinaison d’images, créée le 24 septembre 2023, montrant le président azerbaïdjanais Ilham Aliev (à gauche) et le Premier ministre arménien Nikol Pachinian. Source : (1) Quirinale.it et (2) European Parliament, via Wikimedia Commons

Tournant pour le Caucase. Jeudi 13 mars 2025, les diplomaties azerbaïdjanaise puis arménienne ont annoncé – par communiqués distincts – qu’un accord de paix était prêt à être signé entre les deux États, après un processus de négociation long de plusieurs années. L’Union européenne et les États-Unis n’ont pas tardé à encourager cette avancée historique : l’Azerbaïdjan et l’Arménie ont en effet été au cœur de conflits frontaliers majeurs au cours des dernières décennies, en particulier vis-à-vis du territoire du Haut-Karabakh. Revenons sur l’histoire de ces hostilités dont nous pourrions enfin voir la conclusion.

Contexte historique

Loin d’être récentes, les tensions mutuelles entre ces deux États ont marqué le premier conflit post-soviétique à la fin du XXe siècle. Le Haut-Karabakh se situe dans le Caucase du Sud, dans une région historiquement annexée par l’Empire russe au début du XIXe ; lors des révolutions russes de 1917, le territoire est déjà disputé par les Républiques d’Arménie et d’Azerbaïdjan. Au cours de l’année 1920, Azerbaïdjan puis Arménie sont soviétisés par les bolcheviks, et les seconds se retirent du Haut-Karabakh qui est rattaché à l’Azerbaïdjan l’année suivante, en dépit de la très large majorité arménienne – 94% – qui y vivait alors. Soixante-dix ans plus tard, l’URSS s’effondre : la porte est ouverte à l’indépendance de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan, ainsi qu’à de nouvelles disputes. Depuis les années 1980, l’Arménie entend prendre le contrôle du Haut-Karabakh, et de telles revendications sont à l’époque reçues favorablement par les habitants du territoire. Pour autant, le souhait arménien qui se veut d’abord pacifique n’est pas réalisé, et les violences avec l’Azerbaïdjan ne tardent à débuter. En effet, le Karabakh tente de proclamer son indépendance en 1991, mais la communauté internationale ne la reconnaît pas.

Dès 1992, la première guerre du Haut-Karabakh s’officialise (les combats avaient commencé en 1988), et se termine en 1994 par une domination arménienne. Entre-temps, la proportion d’Arméniens au Haut-Karabakh n’est plus que d’environ 75%. Un accord de cessez-le-feu est signé en mai, sans que le territoire ne soit officiellement sous contrôle arménien : le Haut-Karabakh est dès lors une République indépendante non reconnue internationalement. Des affrontements ponctuent les années suivantes, jusqu’à l’éclatement de la seconde guerre du Haut-Karabakh en 2020, laquelle – bien plus brève, un mois et demi – voit l’Azerbaïdjan victorieux. La question du contrôle du territoire n’est toujours pas résolue, néanmoins, la domination azerbaïdjanaise soutenue par la Turquie et l’armée syrienne est flagrante. Une dernière offensive de l’Azerbaïdjan, en 2023, marque le coup de grâce pour les Arméniens du Haut-Karabakh : ils sont contraints à l’exode, tandis que les forces azerbaïdjanaises occupent la République désormais dissoute. Les conflits entre Arménie et Azerbaïdjan se cristallisent enfin vis-à-vis des délimitations frontalières entre États.

L’accord de paix

L’accord de paix qui devrait être signé dans les jours à venir est une promesse pour la stabilité de la région, mais pourquoi n’est-il pas intervenu plus tôt ? Plusieurs obstacles majeurs ont entravé toute résolution. D’abord, les nationalismes des deux pays rendaient les concessions territoriales politiquement intenables : le Haut-Karabakh représente un élément identitaire pour les Arméniens, tandis que son intégrité territoriale est non-négociable pour l’Azerbaïdjan. Dans le même temps, la Russie a maintenu une position ambivalente, préservant son influence en maintenant un non-interventionnisme affaiblissant les deux États, tandis que la Turquie soutenait fermement l’Azerbaïdjan. Le groupe de Minsk de l’OSCE, médiateur depuis 1992, est relativement inefficace face à ces positions inflexibles. Les défaites arméniennes de 2020 et 2023 ont en ce sens été le facteur décisif pour la possibilité de voir un accord émerger.

Le monde souhaite voir le Caucase en paix et soutient l’accord. Que peut-on toutefois en attendre ? Sur le plan du droit international, il devrait formaliser la reconnaissance mutuelle des frontières, l’engagement à la non-agression et la mise en place de mécanismes de règlement pacifique des différends, à l’heure ou l’Arménie entend rejoindre l’Union européenne. Des défis juridiques complexes subsistent : le statut des personnes déplacées, les réparations éventuelles et la protection des sites culturels arméniens en territoire azerbaïdjanais, entre autres : après tout, il s’agit d’un “texte de compromis”, comme l’a rappelé le premier ministre arménien Nikol Pachinian. La durabilité de cet accord dépendra surtout de la volonté politique des parties et de l’implication des garants internationaux, dans une région où les arrangements juridiques se heurtent bien souvent aux réalités géopolitiques.

Une réponse à « Accord de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan : l’espoir d’une paix durable dans le Caucase ? »

  1. Bravo👏🏻

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